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Sécurité Sociale : Ce que veut dire le budget de la Sécu 2020

Assurance maladie siège de la sécurité sociale a509cLes mesures prises pour éteindre le mouvement des « gilets jaunes » ont précipité la Sécurité sociale dans le déficit, regrette l'économiste Frédéric BIZARD. C'est une lourde responsabilité pour l'État, qui déprécie de fait la qualité de la protection sociale des classes moyennes, comme c'est le cas pour les pensions, la santé et la politique familiale. Faire parler un budget est une mission périlleuse. En 2016 et en 2018, deux gouvernements différents annonçaient prématurément un moment historique pour l'année suivante avec une Sécu à l'équilibre. Cette communication politique d'affichage cache pourtant l'essentiel : l'évolution du modèle social et la pertinence des choix budgétaires sur la qualité de vie des citoyens.

Ce qui fait le plus réagir sur ce budget à ce jour est la non-compensation par l'État de quelque 4 milliards d'euros de recettes en moins pour la Sécu du fait de mesures en réaction aux « gilets jaunes ». C'est en effet l'État qui met la Sécurité sociale en déficit en 2019 (-5,4 milliards d'euros) et en 2020 (-5,1 Mds€ ). Cette abolition du reste d'autonomie dont disposait la Sécurité sociale est une double erreur.

D'abord, elle confirme l'incapacité de l'État français à respecter la règle fondamentale de gestion de la Sécurité sociale qui est celle du déficit structurel zéro. En éliminant l'impact de la conjoncture sur la situation des finances publiques, les comptes de la Sécurité sociale doivent être à l'équilibre. La mauvaise gestion génère de la mauvaise protection sociale.

Ensuite, cette situation conduit au maintien contestable d'un plan d'austérité sur les principaux postes de protection sociale. Le déficit viendrait justifier la perte de pouvoir d'achat infligée en 2019 et 2020 sur des millions de retraités et de familles qui voient leurs retraites et allocations familiales plafonnées à 0,3% de hausse soit en deçà de l'inflation (1%). Dans un climat social qui reste fragile, comme l'a reconnu le président de la République, n'est-ce pas prendre un risque de rallumer les braises et de nourrir un cercle vicieux de violences-contreparties financières-austérité sociale-violences… C'est en cela une erreur politique.

France au XXIe siècle...

Avec ce budget 2020, les parlementaires devraient s'intéresser bien davantage au modèle de protection sociale de la France au XXIe siècle qu'au déficit comptable. C'est d'autant plus stratégique que cela fait aussi des années qu'on Une femme consultant sur son portable le site ameli.fr 68797fait de la Sécu ce qui n'est pas sa mission première, une institution d'assistance aux plus défavorisés. Déprécier la qualité de la protection sociale des classes moyennes, comme c'est le cas pour les pensions, la santé et la politique familiale, conduit notre modèle social vers le modèle anglo-saxon du « safety net », en effet du ressort de l'État. Il reste plus qu'à conditionner le remboursement des dépenses de santé aux conditions de revenus et la bascule sera réalisée.

La branche de la Sécu probablement la plus malade et pour laquelle le budget 2020 est d'une continuité désespérante du passé est incontestablement la maladie. La construction du plan d'économies de 4,2 milliards d'euros est désespérément conçue à partir des mêmes ratios par les ordinateurs de Bercy entre les secteurs depuis dix ans. On rabote pour 76% sur les prix et les moyens et on fait de l'efficience pour 24%. C'est le ratio inverse qu'il faudrait utiliser, mais ce n'est pas du ressort de Bercy !

Paupérisation du système...

Si Bercy impose ces économies, ce n'est pas qu'une question de pouvoir mais d'absence de mesures d'efficience à fort impact dans la stratégie nationale de santé. Par défaut, le budget continue la seule politique qui garantit la maîtrise des coûts : la baisse des prix sur les produits (médicaments) et services (rémunération des soignants) de santé. Entre 2009 et 2018, les prix ont baissé en moyenne de 0,3% chaque année et les volumes ont augmenté de 2,4% par an. Cette politique déflationniste en santé depuis dix ans a paupérisé le système et donne le sentiment aux soignants d'être sur une sorte de « radeau de la 'Méduse' ».

Avec un niveau de dépenses sociales le plus élevé des pays de l'OCDE, l'argument de la contrainte budgétaire n'est pas sérieux. Les autres pays ont fait des choix, souvent conformes à leur culture et à leur histoire. Il reste à la France à faire son choix de modèle social.

Par Frédéric BIZARD
Économiste, professeur affilié à ESCP Europe et président de l'Institut Santé.

Catégorie : PÉTITION & TRIBUNE LIBRE
Publication : 21/10/2019
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