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Souffrant d’un lourd handicap mental, il subi les actes de son bourreau pendant vingt-six ans

Un avocat en salle d'audience -- Archives

 « Je regrette sincèrement d’avoir fait ça. » Sur les joues de ce prévenu âgé de 73 ans, des larmes roulent. De solides corpulences, il fait souvent répéter les questions des magistrats TGI de Bar-le-Duc (Calvados). S’exprimant à la barre avec difficulté et une mémoire qui selon lui fait parfois défaut, ce dernier reconnait les faits reprochés. Ceux d’une d’agression sexuelle imposée à une personne vulnérable entre le 9 septembre 2005 et le 30 novembre 2006 dans un village du Sud meusien.

Des actes qui ont duré en réalité plus de 26 ans, de l’adolescence de la victime, souffrent depuis la naissance d’un lourd handicap mental, à son placement dans une structure spécialisée dès le décès de son père en novembre 2006. Plus d’un quart de siècle où l’homme subira en silence le comportement de son bourreau à l’occasion de promenades, généralement dans les bois environnants. Révélés que tardivement après une discussion avec son médecin avoir croisé fortuitement son agresseur, « un ami de ses parents », sur une fête foraine à Saint-Dizier. Un déclic salutaire pour ce quadragénaire sous tutelle, lui-même condamné en juin 2005 pour des faits d’agressions sexuelles sur des enfants.

Une large prescription

Placé en garde à vue le 6 novembre 2008, le septuagénaire a donc reconnu les attouchements depuis les années quatre-vingt. Même si les poursuites judiciaires ne courent que sur un peu plus d’un an grâce à la loi relative à la prescription. Les masturbations de sa victime, le vieil homme acquiesce, pas très fière. « C’est lui qui le voulait bien. Il ne disait pas non… » « Saviez-vous qu’elle souffrait d’un handicap mental ? », interroge le président. « Il ne m’a jamais repoussé. » « Mais pourquoi un jeune handicapé et non pas une autre femme ? » « Ça aurait pu être n’importe qui. Son père travaillait avec moi à l’usine. On était camarade. Au début, on faisait des promenades et puis c’est venu comme ça… naturellement. »

« C’était de l’amitié… »

Le procureur enfonce le clou : « Pendant tout ce temps, vous avez donc utilisé la victime comme un objet sexuel ? » « C’était de l’amitié. » « Et s’il était resté après la mort de son père, vous auriez continué ? » « Les balades peut-être… Après, je ne sais pas », répond celui qui ne se voit ni pédophile ni homosexuel. Jusqu’alors inconnu de la justice, le prévenu a fait l’objet d’une expertise psychologique qui dépeint un « misérabilisme prononcé dans le discours » et des « traits pervers de caractère. » Le rapport observe également « une vie de couple pauvre et peu épanouissante. » La personnalité de la victime a elle aussi été étudiée. L’expertise note « une immaturité sexuelle » et « une limitation intellectuelle qui ne lui permettait pas d’appeler à l’aide. » « Mon client n’avait pas la capacité de s’opposer à son agresseur, un prédateur dont les agissements ont eu de graves répercussions avec cette condamnation pour des faits d’attouchements sur des enfants », insiste M e Fettler, partie civile, en réclamant un préjudice de 8.000 € au bénéfice de l’Association tutélaire de la Meuse.

Trois ans de prison avec sursis et fichés

La « caricature du pervers » est bien réelle pour le substitut du procureur Zaida Moulay, troublée par « les traits pervers d’un homme qui s’approprie d’un individu » et le fait que la famille du prévenu ne soit pas au courant de ses agissements. Et de réclamer un suivi socio-judiciaire sur deux ans assortis d’une injonction de soins. Mal à l’aise dans cette affaire qui « plonge dans l’émotion dans le cadre de la prescription », M e Voignier, en défense, a estimé qu’il fallait « retrouver raison » et que son client n’était pas « un vautour, mais quelqu’un qui se trouvait dans une situation malheureuse avec une épouse malade qui lui mène la vie dure. »

La contrainte dans ce dossier, l’avocat la juge « floue », insistant sur « la grande culpabilité morale » et « la grande solitude » ressentie par son client. « Dans cette détresse sexuelle, il y a eu une relation qui est née et qui a perduré. Il aurait suffi que la victime le repousse pour que les promenades en restent là. » Après avoir délibéré, le tribunal a finalement condamné le septuagénaire à trois ans de prison avec sursis et à 6.000 € de dommages et intérêts et son inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS).

Par Nicolas GALMICHE

Catégorie : JUSTICE & JUSTICE ADMINISTRATIVE
Publication : 10 October 2011

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