Les médecins acquitté au civil dans l’affaire de l’hormone de croissance : les familles scandalisées !
Commencé en 1991 la procédure aura duré 24 ans de procédure aux multiples (v.détaille) rebondissements, de ce qui représente l'un d'un des plus grands scandales sanitaires après le sang contaminé, vient de prendre fin avec la décision de la Cour d'appel de Paris. Acquittant les médecins le Pr Fernand Dray, 93 ans, ou le Dr Élisabeth Mugnier, 66 ans, sur l'existence d'une faute civile après celle obtenu en pénal.
Une décision dont l'affaire à plus que jamais un goût de "naufrage judiciaire", s'accordent à dire toutes les parties. Mais plus amère pour Me Bernard FAU, avocat de la majorité des familles. Reste une porte ouverte celle de la Cour de cassation et de la Cour européenne de Justice.
Des "fautes", mais pas de "responsable"
La Cour d'appel de Paris aura donc décidé qu'il avait bien des "fautes", mais pas de "responsable" en d'autres termes aucune réparation financière ! Une conclusion judiciaire qui ne pourra ne satisfaire personne, dans un dossier qui aura causé la mort de 120 personnes. Une absence de coupable qui a permis l'acquittement professeur Fernand Dray, 93 ans, et l'ancienne pédiatre Élisabeth Mugnier, 66 ans. Les autres étant soit morts, soit déjà mis totalement hors de cause.
Une décision qui n'a aucun sens pour les victimes, alors que la Justice reconnaît que les deux médecins avaient commis des fautes "d'imprudence et de négligence" tout en soulignant que les prévenus, absents lors de la lecture de la décision, n'ont pas "excédé" le cadre de leur mission professionnelle. Une décision qui de fait annule leur responsabilité civile. Si pour la pour l'un des avocats défense, Me Guy Charles HUMBERT s'est dit lui « un peu amer » de cette reconnaissance de « faute », l'avocat Me Henri Leclerc, qui défendait le Pr Dray, voulait, lui, surtout retenir que son client n'était « pas responsable ».
Béatrice DEMARET, dont le fils Charles-Guillaume a été traité à l'hormone contaminée, et qui vit à 39 ans avec « l'angoisse » de déclencher la maladie « au moindre frisson de fièvre », a elle parlé d'une décision « inaudible ».
« Vous pouvez faire ce que vous voulez, vous sortez avec des gants blancs, parce que devant vous il y a votre employeur », a adressé Alain JOLIVET père de l'une des victimes à la sortie de l'audience. S'adressant au Pr Dray, l'ancien dirigeant du laboratoire Uria, rattaché à l'Institut Pasteur et chargé d'élaborer le produit et au Dr MUGNIER qui assurait elle la collecte des hypophyses pour le compte de l'association France Hypophyse.
Me Bernard FAU, s'exprimant au nom des 21 parties civiles, qui réclamaient un montant total de quelque 10 M€, a, quant à lui dénoncer en faisant référence au scandale du sang contaminé ou même de l'amiante, « l'incapacité de la justice française à appréhender ce type de grand scandale sanitaire ».
Plusieurs Fautes graves ?
La Cour de cassation, vers laquelle quelques familles se sont tournées, a permis un ultime procès au civil en considérant que « l'extraction et la purification » de l'hormone « entraient dans la préparation » d'un médicament et n'auraient pas dû être pratiquées par Uria.
Pour Me Bernard FAU, l'avocat de la majorité des familles, « la première des fautes est d'avoir fabriqué un médicament dans un laboratoire de recherche qui n'avait pas la qualité d'un laboratoire pharmaceutique ». Une situation complexe quand ont regardé l'actualité le 19 janvier dernier avec la mort dans le
De cette maldonne initiale découlent plusieurs « fautes graves », énumérées par des experts : une collecte à la « traçabilité douteuse », le « mélange de lots », le « prélèvement dans des hôpitaux à risques », le « non-respect des règles industrielles » concernant la purification de l'hormone et la stérilisation du matériel.
Un argumentaire rejeté d'un bloc par la défense, pour qui le Dr Mugnier n'était que "collecteur" et le Pr Dray un "employé" de l'Institut Pasteur.
« La mission de collecte n'est en aucun cas une mission de production d'un médicament », avait plaidé Me Cédric LABROUSSE, rappelant que les règles de prélèvement avaient été fixées par France Hypophyse et la liste des hôpitaux ciblés dressée par le ministère de la Santé.
Le Dr MUGNIER comme le Pr DRAY étaient convaincus de l'innocuité du traitement, avaient martelé les avocats, s'indignant qu'on exige d'une pédiatre et d'un chercheur des connaissances sur la MCJ dont personne ne disposait au début des années 80.
Près de 1700 victimes...et 120 morts
Cette décision, qui vient après deux procès et une relaxe générale au pénal, conclut sur le plan judiciaire l'un des plus retentissants drames de santé publique en France. Se sont ainsi entre 1983 et 1985 plus de 1698 enfants souffrant d'une insuffisance hormonale qui ont été traités par injection à partir de prélèvements contaminés sur des cadavres, dont certains étaient infectés par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ).
À ce jour ce sont ainsi quelque 120 sont morts au terme de longues souffrances qui ont été comptabilisées. Des victimes dont le chiffre pourrait bien encore croître, puisque le temps d'incubation pouvant dépasser les 30 ans.
Si elle n'a pas apaisé la douleur de familles, la justice n'a toutefois pas laissé le drame sans aucune conséquence. Elle a en effet, par deux fois, établi une responsabilité de l'Institut Pasteur dans un décès lié à l'hormone de croissance, et lui a ordonné de verser plusieurs centaines de milliers d'euros aux familles des victimes. Reste que plusieurs dizaines n'ont jamais été indemnisées !
Stéphane LAGOUTIÉRE/ Avec l'AFP
Publication : 26/01/2016
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