« Politique de Santé : l’urgence d’un changement de cap ! » Par le président de l’Institut Santé
Pas un jour ne passe sans que le déclin de notre système de santé ne se fasse ressentir avec plus d’acuité : plus de 6 millions de nos concitoyens vivent dans un désert médical, l’hôpital public connaît la crise financière et sociale la plus profonde de son histoire, les EHPAD sont en surchauffe, l’accès pour tous aux innovations technologiques et bio-thérapeutiques est menacé…C’est bien tout notre système de santé solidaire qui se désagrège. Ce résultat n’est pas le fruit du hasard mais celui de plus de vingt ans de politique de santé marqués par une absence de vision globale et d’avenir, par une approche purement gestionnaire et par un renforcement du poids de l’administration sur le système.
C’est sur ce constat de l’urgence d’un changement de cap et de la nécessité d’une refondation la plus consensuelle possible que se créé ce jour l’Institut Santé. Cet outil de réflexion et d’action est singulier par cette approche systémique, mais aussi par son indépendance, par la qualité et la pluralité de ses membres, chacun (e) expert (e) dans son domaine et contributeur bénévole à cet objectif de refondation de notre système de santé (1).
L’Institut Santé propose un triptyque de réformes structurelles. La gouvernance, l’organisation des soins, le financement solidaire sont en effet les 3 leviers de transformation à activer concomitamment (approche systémique).
Gouvernance : Pour une démocratisation de la santé
La gouvernance de notre système de santé doit sortir de la logique étatiste qui a prévalu ces 20 dernières années et qui a échoué. Cette direction a conduit à une hyper administration des soins qui paralyse l’activité médicale et paramédicale de terrain. L’État est aujourd’hui fort (interventionniste) dans l’organisation des soins et faible dans la vision stratégique et le pilotage de la santé publique. L’Institut Santé prône une réforme de la gouvernance, sur les bases d’un État pilote de la stratégie et de la santé publique mais qui délègue (délégation de service public) la gestion opérationnelle de l’ensemble des soins à une nouvelle démocratie sanitaire.
L’État pilotera la santé publique et la stratégie nationale de santé et fera voter cette dernière au Parlement dans le même temps que le budget annuel des dépenses. En revanche, la gouvernance de l’ensemble des soins en ville, à l’hôpital et des soins médico-sociaux sera déléguée à une nouvelle assurance maladie, dotée d’un Conseil composé des représentants des acteurs du système. Cela permettra d’unifier la gouvernance des soins – évolution indispensable pour concevoir une prise en charge efficace du parcours des patients chroniques – et de redonner du pouvoir aux acteurs de terrain dans l’organisation des soins pour faire revivre une vraie démocratie sanitaire.
L’absence de politique de prévention tient selon L’Institut Santé à un déficit de gouvernance en la matière. L’Institut Santé recommande la création d’un poste permanent de Haut-Commissaire à la Santé Publique, sous l’autorité du Premier Ministre en charge du pilotage interministériel d’une politique de santé publique ambitieuse, marquant l’avènement d’un pôle Prévention fort. Le nouveau système de santé reposera sur deux jambes dans sa gouvernance – le maintien en bonne santé et les soins – et non plus sur un seul volet curatif.
Organisation des soins :
réformer les ordonnances Debré de 1958 pour renforcer la médecine ambulatoire. Alors que s’ouvre ce jour à Paris le 12ème Congrès de Médecine Générale, L’Institut Santé souhaite marquer l’une des trois transformations à réussir pour cette refondation, à savoir la réforme des ordonnances Debré de 1958 pour faire de la médecine ambulatoire le pivot de l’organisation des soins.
L’Institut Santé recommande une réforme des ordonnances Debré de 1958 afin de reconnaître à la médecine de ville un statut équivalent à l’hôpital d’enseignement et de recherche. Cette universitarisation de la médecine de ville passerait par la reconnaissance de 1000 centres ambulatoires universitaires, dans lesquels les jeunes médecins de ville seront majoritairement formés et des projets de recherche clinique seront menés. Ces centres seraient des pôles d’excellence dans la prise en charge des pathologies chroniques et des services de prévention.
Cette refonte des ordonnances de 1958 visera aussi à reconstruire un modèle ambitieux de centre hospitalier universitaire qui conservera un rôle important en enseignement et en recherche mais dans un fonctionnement plus ouvert et collaboratif avec la médecine de ville et selon un modèle de spécialités choisies (et non plus généraliste).
Un financement solidaire pour donner à chacun une capacité d’agir pour sa santé
La nouvelle assurance maladie serait composée d’un régime unique universel de santé marquant le passage à une protection sociale universelle assise sur la personne et non plus sur les statuts professionnels. On parlera d’assurance santé universelle et non plus d’assurance maladie pour marquer cette approche globale de la santé. L’architecture de financement des dépenses de santé évoluera vers le principe d’un seul financeur assurantiel par prestation. Cette nouvelle architecture de financement sera plus lisible, plus efficace et moins coûteuse en frais de gestion.
Le financement privé sera organisé selon les principes d’un modèle mutualiste concurrentiel régulé. Ce système fonctionnera sur les bases d’une affiliation exclusivement individuelle pour toute la population (active et inactive). La création d’un contrat homogène standard permettra de comparer efficacement la performance des opérateurs. L’assurance santé sera régulée de façon à éviter toute sélection de risques par les opérateurs, à travers notamment l’utilisation de données personnelles de santé de plus en plus abondantes avec la santé numérique.
Ce trépied de réformes doit constituer le cœur d’un vrai débat de transformation de notre système de santé pour lui redonner son rôle de référence dans le monde et de fierté nationale. Le succès de cette refondation, pour lequel l’Institut Santé est créé, est aussi une question de responsabilité de la génération contemporaine d’adultes envers la société que nous laisserons aux futures générations.
Par Frédéric BIZARD
Président de l’Institut Santé
Qui est Frédéric ?...
Frédéric Bizard est économiste, enseignant-chercheur, spécialiste des questions de protection sociale et de santé et auteur de plusieurs ouvrages. Il est enseignant à Sciences Po Paris et dans d’autres universités dont l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP-Europe). Il mène de nombreux travaux de recherche en économie. Il est expert depuis 2015 auprès du Sénat sur les questions de protection sociale. Frédéric BIZARD qui a créé en Avril 2018 l’Institut Santé, organisme de recherche destiné à rendre possible une refondation de notre système de santé. Avec l’aide de personnalités reconnues de la santé et de la société civile en général, l’Institut Santé va construire un programme de refondation pour redonner à notre système de santé sa place référence mondiale.
Publication : 05/04/2018