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HONGRIE : Comment vit-on le handicap dans ce pays du bloc de l’Est !

HONGRIE — ÉTAT DES LIEUX

2009.05.19 — Alors que l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations font partie des valeurs de base de l’Union européenne et sont au coeur du champ d’action de la Direction générale « Emploi, affaires sociales et égalité des chances » de la Commission européenne, qu’en est-il dans les nouveaux États membres ? Prenons le cas de la Hongrie et regardons de plus près que veut dire d’être handicapé à Budapest.

Contexte juridique

La loi la plus importante dans ce domaine est la loi de 1998 sur l’égalité des chances qui prévoit la suppression des obstacles environnementaux et l’élaboration d’un environnement qui permettent aux personnes handicapées, qu’ils souffrent d’un handicap physique, sensoriel, mental, cognitif ou psychique, l’accès à l’ensemble des droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens et leur garantit le plein exercice de leur citoyenneté. Selon la loi, le délai de suppression des obstacles dans les établissements publics fut 2005. Ce qui veut dire que les établissements déjà existants doivent être réaménagés de telle façon qu’ils soient conformes aux principes définis par la loi et que les projets de nouvelles constructions doivent respecter ces principes, faute de quoi le permis de construction devrait être refusé. Pourtant, selon toute apparence, l’objectif de 2005 n’a pas été respecté.

 

De multiples associations hongroises défendant les droits des handicapés et parmi eux la plus importante, la Ligue nationale des Associations des Handicapés (MEOSZ), pointent du doigt les manquements lors de la procédure d’octroi des permis de construire qui a autorisé la délivrance des permis pour des établissements non conformes aux règles définies. De même, selon le MEOSZ, les changements nécessaires n’ont été effectués que dans un tiers des établissements publics. Par conséquent et afin de « faire bouger les choses », le MEOSZ a décidé de poursuivre en justice les établissements réticents. En réponse, le gouvernement a modifié la loi à plusieurs reprises, pour la rendre plus efficace et a poussé la date limite de son application dans un premier temps d’ici 2010, puis d’ici 2013. Est-ce que le fait d’avoir repoussé les dates garantira une meilleure application de la loi ? Les voix sceptiques sont nombreuses.

 

Obstacles dans la vie quotidienne

On vient de parler de l’accessibilité réduite des personnes handicapées de certains établissements publics qui peut transformer en un véritable parcours du combattant l’activité la plus simple. Étant donné que l’adaptation des transports en commun aux besoins des personnes handicapées – d’ailleurs prévu par la loi de 1998 sur l’égalité des chances – a également subi un important retard et que la majorité des moyens de transport ne convient pas aux handicapés, les difficultés commencent déjà par les moyens de déplacement. À part les nouveaux trams qui circulent sur les boulevards les plus fréquentés de Budapest et quelques bus à plancher bas et palettes qui circulent souvent à des horaires limités, le transport des personnes handicapées n’est pas facile dans la capitale hongroise. Dans le métro, il n’y que quelques stations qui sont équipées d’un ascenseur permettant aux handicapés de circuler dans le réseau. Pour que ces personnes puissent aller d’un point A vers un point B, en raison des correspondances parfois inexistantes entre certaines lignes conformes aux voyageurs handicapés et des horaires de bus pas toujours respectés, il faut planifier tout et prévoir beaucoup plus de temps que pour un citoyen valide.

 

Ensuite, une fois arrivée par exemple dans un établissement de l’administration publique, nos compatriotes doivent confronter d’autres obstacles : inaccessibilité du bâtiment avec un fauteuil roulant, manque d’ascenseur, absence de toilettes adaptées aux besoins des personnes handicapées, portes d’entrée trop petites pour les franchir avec un fauteuil roulant, etc. Idem pour la plupart des cinémas, théâtres, salles d’exposition, centres commerciaux, banques, restaurants, bars, boutiques, hôtels, etc. Des problèmes peuvent également se poser lors de scolarisation d’un enfant handicapé, puisque très peu sont les écoles qui sont convenablement aménagées pour accueillir ces enfants. La même difficulté est présente lors de l’insertion dans la vie professionnelle d’une personne handicapée, qui souvent ne peut pas accepter l’emploi offert, soit en raison des difficultés de transport, soit à cause de l’environnement de travail non conforme à ses besoins. Les chances de se retrouver dans une situation humiliante sont nombreuses. En Hongrie, on se souvient toujours de l’histoire d’un homme aveugle en 2008, qui s’est vu interdit d’entrer dans une grande surface avec son chien guide d’aveugle sous prétexte de respect des principes d’hygiène, alors que les chiens guide d’aveugle sont dispensés de ces règles.

 

Il est à noter tout de même que de nombreuses réductions sont disponibles pour ceux qui disposent d’une carte attestant leur situation d’handicapé, dans les musées ou sur le réseau des transports en commun (l’abonnement pour un mois sur l’ensemble du réseau de Budapest est par exemple gratuit). Reste à savoir quel est l’intérêt de ces réductions si les personnes concernées ne peuvent pas pleinement exploiter les services offerts.

 

Se déplacer en voiture

De nombreuses personnes handicapées optent pour avoir une voiture au lieu de devoir faire face aux transports. Mais là aussi ils sont confrontés à un nouveau problème, notamment le nombre insuffisant de places de parking et leurs occupations par certains citoyens « bienveillants » qui n’ont pas regretté leur temps et leur argent à se procurer une « fausse » carte de stationnement pour personnes handicapées afin de profiter de ces places bien situées. Pour lutter contre ce type d’abus, la mairie de Budapest a décidé de durcir la loi concernant l’émission de ces cartes et à partir de janvier 2010 d’introduire l’utilisation de deux différents types de carte, l’une pour les personnes handicapées disposant d’un permis de conduire et leur propre voiture, et l’autre pour des personnes qui transportent une personne handicapée. La première carte permettra une durée de stationnement illimité, l’autre permettra le stationnement gratuit pendant une heure. Pour ceux qui occupent des places réservées aux personnes handicapées, l’amende imposable sera désormais du montant du tarif horaire du stationnement multiplié par 300.

 

L’hôtel de l’espoir

Malgré les nombreux mauvais exemples, on trouve parfois de belles preuves de solidarité et de tolérance. Il existe un hôtel 4 étoiles à Budapest, du côté de Buda, dont 95 % des employés sont des personnes avec des capacités de travail changées suite à une maladie ou un accident. De nombreux articles parus dans la presse hongroise parlent avec éloge de cet hôtel exemplaire qui permet à ses employés de retrouver leur dignité au sein d’une société parfois très dure et intolérante avec les personnes que l’on considère comme « différentes » par rapport aux autres.

 

Pourtant la législation actuelle oblige les entreprises du secteur privé de plus de 20 employés, que 5 % de leur personnel soit des personnes avec des capacités de travail réduites, sinon ils doivent payer une « contribution aux réhabilitations ». Néanmoins, la somme pas suffisamment élevée de celle-ci incite les patrons à opter pour le paiement de cette taxe. Les personnes handicapées hongroises doivent encore attendre pour se voir « garantir le plein exercice de leur citoyenneté ». Des développements positifs existent, mais les procédures sont très lentes et souvent coûteuses. Cependant, les formes d’exclusion sont diverses et malheureusement elles ne concernent pas uniquement les personnes handicapées, mais les personnes âgées, les jeunes mamans avec une poussette ou les personnes souffrant de certaines maladies. Ce ne sont pas que les indicateurs économiques qui doivent être respectés au sein de l’Union européenne, mais l’Europe doit aussi veiller au respect des droits fondamentaux – comme celui de la dignité humaine – de chaque citoyen dans chacun des États membres. Tant que ce ne sera pas achevé, l’oeuvre n’est pas accomplie.

La Rédaction

Catégorie : REPORTAGE
Publication : 19/05/2009

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