D’AYALA VALVA : « La déficience intellectuelle, un handicap qui n’est pas visible. »
À l’occasion du premier Festival international du film sportif qui aura lieu du 9 au 14 décembre, le réalisateur d’Adapté (s), Sébastiano d’Ayala Valva nous a expliqué ses motivations pour réaliser un tel documentaire. Le réalisateur a voulu mettre en lumière la frontière entre quelqu’un qui est handicapé et quelqu’un qui ne l’est pas. À travers ce film, il espère que le regard sur la déficience intellectuelle aura changé.
F.H.I – Heureux d’avoir été sélectionné pour ce premier Festival international du film sportif ?
Sébastiano D’AYALA VALVA : Oui, évidemment, j’ai eu très peu de projection publique. Mon docuentaire est davantage passé à la télévision. Je n’ai pas pu avoir le retour du public. Je ne peux pas savoir s’il a plu ou non. Vendredi, je pourrai enfin voir les réactions des spectateurs. Je suis donc ravie d’être présent dans ce festival.
F.H.I --- Qu’est ce qui vous a poussé à réaliser ce documentaire sur le sport adapté ?
D’AYALA VALVA : « La déficience intellectuelle, un handicap qui n’est pas visible. »
: J’ai été interpellé lorsque j’ai appris le scandale autour de l’équipe de basket espagnole de sport adapté qui avait décroché la médaille d’or aux Jeux Paralympiques de Sidney en 2000. Il s'est avéré que la plupart des joueurs ne souffraient d’aucun handicap. Suite à cette triche, le sport adapté a été exclu des Jeux Paralympiques. Il a fallu attendre 2012 pour que le sport adapté fasse son grand retour au sein de la communauté paralympique. Cela m’a alors intéressé de dépeindre cette frontière entre ceux qui sont handicapés et ceux qui ne le sont pas. L'équipe que j'ai choisi m'a donné le pretexte pour parcourir cette frontière avec ma caméra.
J’ai alors découvert les institutions spécialisées et leurs procédures administratives qui les renvoient tout le temps à leur statut d’handicapé. J’ai choisi des personnages qui étaient à la limite de la déficience mentale, dont certains auraient probablement pu appartenir au monde « ordinaire ».
F.H.I --- Comment s’est passé le tournage avec ces athlètes déficients intellectuels ?
Sébastiano D’AYALA VALVA : C’était très enrichissant car j’ai fait des rencontres surprenantes lors de la réalisation de ce documentaire. C’était intéressant de les suivre et surtout de découvrir qu'ils se posaient les mêmes questions que moi par rapport a leur statut de déficient. Cela a permis de faire avancer mon questionnement à travers eux et non à travers des « experts » du handicap mental.
F.H.I --- Qu’avez-vous voulu montrer à travers votre documentaire ?
Sébastiano D’AYALA VALVA : Comme je n’avais aucun appriori, j’y suis allé à l’instinct. J’ai construit mon film autour des rencontres et de cette question de savoir qui est ou n’est pas handicapé ? Ou pourquoi je suis handicapé alors que je me considère pas comme tel ? Ce sont ces doutes existentielles que j’ai voulu dépeindre.
F.H.I --- Pensez-vous avoir contribué à améliorer les choses grâce à ce documentaire ?
Sébastiano D’AYALA VALVA : Il a contribué à faire parler du handicap mental et du fonctionnement des institutions spécialisées en France. Il a été diffusé sur Public Sénat, France 3 Ile-de-France et au sein de la Fédération française du sport adapté (FFSA). Lorsque les gens regardent ce film, elles tombent des nues car ils ne connaissent rien à la déficience intellectuelle. Ils sont sous représentés dans les médias car on a peut-être peur de ce handicap. Moi-même lorsque je me suis immergé dans ce milieu du sport adapté, j’avais du mal à trouver mes mots et à m'exprimer clairement. C’est moi qui était déficient. J’ai mis du temps à m’adapter.
F.H.I --- Finalement, votre regard sur le handicap a-t-il changé ?
Sébastiano D’AYALA VALVA : Avant de réaliser ce film, je ne connaissais rien sur la déficience intellectuelle car on n’en parle que tropp peu. C’est un handicap qui n’est pas visible. Pour moi, cela reste quelque chose de très insaisissable. J’ai du mal à le définir car chaque personne que j’ai rencontré avait des caractéristiques différentes. C’est totalement à l’opposé du handicap physique.
Propos Recueilli par
Romain BEAUVAIS
Publication : 10/12/2014