Didier ROCHE : « Accepter que tous les lieux ne soient pas accessibles »
Alors que la question de l'accessibilité est au coeurde tous les débats dans notre société, les commerces français sont toujours réticents à se mettre aux normes. Pour Didier ROCHE, directeur général associé du groupe Ethik Investissement, cette problématique doit dépasser le simple aspect financier. Ç'est à travers ce parcours d'accessibilité, qu'il faut sensibiliser les commerçants et leur faire comprendre où est leur intérêt.
En effet, une incitation que les commerçants pourront ainsi avoir avec l'aide de la Banque Populaire, celle d'une boutique bien plus accueillante afin que ces personnes puissent consommer comme tous les autres citoyens. Même s'ils mettent en place ces travaux, d'autres préfèrent fermer leurs boutiques. Il faut donc trouver des solutions pour que leurs commerces soient accessibles pour tous. "Mais il faut admettre que tous les lieux ne seront jamais accessibles pour tous" souligne Didier ROCHE
F.H.I --- Pourquoi avez-vous mis en place ce parcours d'accessibilité en partenariat avec la Banque populaire ?
Didier ROCHE : C'est l'occasion de pouvoir mettre en place une stratégie de communication, de marketing afin que les clients de la Banque populaire repensent leur boutiques. De ce fait, le parcours pour le client soit plus attrayant et faire en sorte que le chiffre d'affaires du commerçant augmente. Par conséquent, si on est accueilli agréablement au sein du commerce, le client va forcément consommer davantage. Il faut donc les sensibiliser plutôt que de leur expliquer qu'ils doivent se conformer à une obligation de l'État.
F.H.I --- Qu'attendez-vous de ce parcours d'accessibilité ?
Didier ROCHE : Que ce parcours d'accessibilité permettra, au travers d'expérience, une prise de conscience de la part des commerçants et qu'ils se diront que : « j'ai compris où était mon avantage ». Par cette prise de conscience, il faut que la s société dans son ensemble soit plus accueillante.
F.H.I --- Les commerçants sont-ils sensibles à cette question de l'accessibilité ?
Didier ROCHE : Alors que la situation économique est morose malgré un bref rebond, les commerçants sont face à leurs charges et prennent cette question de l'accessibilité comme une contrainte financière. L'idée est de leur expliquer qu'il a des solutions pour ne pas engager vos fonds propres pour financer votre agenda d'accessibilité programmé. Maintenant que vous avvez déposé un ad'ap, vous avez trois ans pour faire les travaux de mises aux normes. Soyez intelligent pour que ce projet vous rapporte de l'argent et de mettre une communication autour afin d'en parler aux autres commerçants. Il faut rentrer dans une spirale vertueuse.
« Arrêter de faire cette chasse aux sorcières qui plombe notre économie »
F.H.I --- Des solutions peu couteuses existent, comment peut-on le faire comprendre aux commerçants ?
Didier ROCHE : Mais c'est compliqué de mettre quelques centaines d'euros pour cette question car pour certains, à la fin du mois, certains ne peuvent pas se payer grand chose après que les charges soient passées. Si le montant des travaux est étalé sur cinq ans, c'est plus digeste pour le commerçant. Il faut les interpeller sur cela car c'est un coût, certes, mais c'est un investissement sur le long terme.
F.H.I --- Paris vient d'investir plus de 200 millions pour l'accessibilité des lieux recevant du public, cela veut-il dire que cette problématique ne dépend uniquement que d'une volonté politique ?
Didier ROCHE : Je rencontre souvent la maire de Paris, Anne HIDALGO, afin de discuter et réfléchir sur ces sujets liés au handicap. Paris a bien compris que pour faire vivre son cœur de ville, il faut qu'elle soit bienplus accueillante. Je note une certaine volonté politique mais la France est construite de manière historique sans prendre en compte l'accessibilité. Après lorsqu'il faut casser des murs porteurs, comment fait-on pour mettre le lieu aux normes ? Il faut accepter que tous les lieux ne soient pas accessibles. Sinon il faut tout démolir pour reconstruire mais là, c'es un tout autre projet. Une ville plus accessible, c'est un meilleur vivre pour tous.
F.H.I --- Avec les coupes budgétaires demandées aux collectivités locales, ne pensez-vous pas que la question de l'accessibilité soit encore une fois oubliée ?
Didier ROCHE : L'argent qui est retiré d'un côté et on pourra le reprendre ailleurs. Pour y parvenir, il faut déployer les commerces accessibles pour tous. Il faut donc que les maires mettent en place une bonne stratégie afin que les gens n'aillent pas acheter dans le commerce de la ville d'à-côté. Par exemple, je bute avec ma canne dans certaines villes, je n'ai pas envie d'y vivre alors. À contrario, Montpellier a un cœur de ville accessible et comme par hasard de nombreux aveugles y vivent.La problématique pour les maires, c'est de faire revenir les gens plutôt que d'avoir une ville hostile pour les personnes en situation de handicap.
F.H.I --- Avec le report des agendas d'accessibilité programmé d'ici neuf ans, arrivera-t-on un jour à cette société inclusive pour tous ?
Didier ROCHE : Comme je vous le disait, il y a certains endroits qui ne pourront jamais être accessibles. Par exemple, j'ai vu une école qui accueillait 400 jeunes en réinsertion sociale, et qui était loin de notre société, malheureusement ils avaient six millions de travaux pour se mettre en accessibilité, ils ont alors fermé cette structure. C'est vraiment dommage. Il faut arrêter de faire cette chasse aux sorcières qui plombe notre économie. Le rôle de la Banque populaire, qui a plus d'un million de commerçants en France, est d'aller vers eux pour les sensibiliser sur cette thématique.
Propos recueillis
par Romain Beauvais
Publication : 30/09/2015