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Les Comédiens de la Compagnie Catalyse présent dans la pièce : L'Empereur de Chine

Comédiens professionnelles a part entière ces artistes nous montrent une fois de plus que le monde de l'art doit et peut être accessible a tous ! Leurs réponse nous font comprendre leur amour de l'art et la façon parfois extraordinaire qu'il ont de transcrire les volonté et de respecter sans préjuger aucun le travail de l'auteur comme pour cette pièce de Georges Ribemont-Dessaignes a consacré toute sa vie au mouvement Dada...

Les comédiens du groupe d'artiste de la compagnie Catalyse
De Gauche a droite Claudine, Christian, Yvon et Jean Claude dans la pièce intitulé l’empereur de Chine

F.H.I / Jessica Roumeur --- Pourriez-vous me parler de vous, de votre métier ? C'est quoi, pour vous, être acteur ? Qu'est-ce qui vous plaît dans le théâtre ?

Claudine --- Etre acteur c'est répéter les textes, jouer devant les gens. Christian - On joue. On joue bien, devant les gens. On dit des textes, on les apprend.

Jean-Claude --- Etre acteur c'est jouer son rôle, dire son texte, être sur scène. Il faut aussi être en forme pour pouvoir bien jouer.

Yvon --- Quand on fait du théâtre, on a un outil de travail, c'est le corps. C'est très important le travail du corps, ça assouplit. Quand je suis arrivé à Catalyse j'étais beaucoup moins souple que maintenant.

Claudine --- Quand nous sommes entrés à Catalyse, nous n'étions pas souples du tout ! C'était dur dur !

F.H.I / Jessica Roumeur --- Que préférez-vous dans ce métier ? à l'unisson : Jouer !

Anne - Moi ce que j'aime c'est jouer ! J'aime rencontrer le public, discuter avec les gens. On rencontre beaucoup de gens. J'aime les tournées, voyager, prendre le train, changer de coin. Tous ces voyages nous permettent de ne pas rester enfermés au pavillon. Ça change les habitudes. On bouge beaucoup. J'aime être applaudie, avoir des souvenirs. Ça arrive qu'on nous offre des cadeaux, des tee-shirt par exemple.

Christelle --- J'aime l'apprentissage des textes, mais surtout, être sur scène : c'est le meilleur moment. J'aime beaucoup jouer devant le public, porter des costumes, dire les textes. J'aime être applaudie. Voyager. Voir des paysages.

Jean-Claude --- J'aime jouer et aller voir d'autres pièces, ça m'apprend à bien jouer, à m'améliorer. Jouer devant le public c'est bien. J'aime bien parler de nos spectacles, lorsqu'il y a des rencontres avec le public.

F.H.I / Jessica Roumeur --- Y a-t-il des choses que vous n'aimez pas dans le théâtre ?

Anne - La seule chose que je n'aime pas c'est lorsque je me trompe dans le texte. Mais en général, j'aime tout dans le travail, du début jusqu'à la fin.

Christelle --- Les bruits ont tendance à être plus forts au théâtre. Il y a beaucoup de travaux lors des créations et donc beaucoup de bruits (perceuses...). Mais j'aime tout dans le théâtre ! J'adore jouer !

Jean-Claude --- C'est dur quand on a mal joué.

Yvon --- Je n'aime pas les rendez-vous avec le public. J'ai horreur de ça ! Je me dis qu'on nous voit sur scène et que ça devrait suffire... Alors pendant ce genre de rencontres, je vais tranquillement fumer ma pipe.

F.H.I / Jessica Roumeur --- Qu'est-ce qui te dérange dans ces rendez-vous avec le public ?

Yvon – Je me dis que j'ai la grosse tête... J'ai peur d'avoir la grosse tête. C'est pour ça qu'après avoir joué, je n'aime pas me montrer à nouveau...

F.H.I / Jessica Roumeur --- Pourriez-vous me parler de Madeleine Louarn ? Comment cela se passe entre vous ?

Jean-Claude --- Madeleine c'est la metteur en scène. Avec elle on répète des scènes, on fait des raccords, des filages... Avec Madeleine il faut que ça marche, il faut être concentré. Christian - J'aime bien travailler avec elle. C'est une bonne metteur en scène. Des fois elle râle. C'est la chef !

Anne --- On s'entend bien, sauf quand il y a des « coups de gueule ». Ça arrive parfois. On aime faire la fête avec elle. Une fois avant de jouer, à Tarbes, on a fait la danse des canards. C'était rigolo !

Christelle --- On s'entend très bien avec Madeleine, sauf quand je ne suis pas concentrée par exemple. Moi aussi j'aime bien rigoler avec Madeleine.

Claudine --- Madeleine on ne la voit pas tout le temps. Elle vient au gymnase de temps en temps pour travailler avant de partir en tournée, avant un spectacle. On travaille plus avec elle quand on est ailleurs, en répétition. J'aime beaucoup travailler avec elle. On se connaît depuis longtemps.

Yvon ---Quand on travaille avec Madeleine, j'ai plus peur de me tromper. J'ai un peu plus la pétoche ! Quand on travaille ensemble, je voudrais que tout soit bien, ne pas me tromper dans le texte. Il faut rester concentrés tout le temps, c'est pas toujours facile mais c'est important, et après avoir beaucoup travaillé, on est contents de nous ! Madeleine parle beaucoup aussi !

F.H.I / Jessica Roumeur --- Elle est bavarde ?

Yvon - Non, quand même pas ! Mais elle nous demande souvent de recommencer.

Claudine --- « Non c'est pas ça, recommencez. Non c'est pas ça, écoutez... » Et quand c'est bien elle nous dit : « Oui, ça c'est bien recommence », ou « Bravo il faut continuer comme ça » !

F.H.I / Jessica Roumeur --- Comment vivez-vous les représentations ?

Anne – Avant de monter sur scène j'ai le trac, j'ai peur de me tromper dans le texte, la peur de mal faire. Mais après ça passe ; à chaque fois c'est une grande joie de jouer. Christelle - J'ai aussi le trac mais une fois sur scène ça va mieux. Ça procure beaucoup de plaisir. J'aime être applaudie.

Yvon --- Je sais quand je joue bien et quand je joue mal. Quand j'ai mal joué... Je file et on ne me voit plus ! Je me cache ! Je ne reste pas auprès de Madeleine ni des autres, je suis trop écoeuré de moi-même. Quand j'ai bien joué, j'aime bien être avec les autres et avec Madeleine pour profiter ensemble de notre bonne humeur. J'espère que L'Empereur de Chine va tourner beaucoup... c'est mon dernier spectacle alors je voudrais le jouer le plus longtemps possible !

 

 

 

 

 

 

F.H.I / Jessica Roumeur --- Pourriez-vous me raconter l'histoire de L'Empereur de Chine ?

Yvon - L'Empereur de Chine ça parle de la guerre.

Claudine --- Et beaucoup de la mort.

Yvon --- Trop ! C'est une pièce assez dure. Il y a des cadavres, des têtes coupées. Il faut s'accrocher. La mort, la mort... au bout du compte on va tous mourir !

F.H.I / Jessica Roumeur --- Pourtant vous jouez tous les deux des personnages assez drôles...?

Claudine – Je suis Equinoxe et Yvon joue Ironique. Ce sont deux rigolos, ils font beaucoup de blagues. Ils sont un peu clown ! Yvon – Ce sont des extraterrestres.

F.H.I / Jessica Roumeur --- Pourriez-vous chacun, me parler de vos personnages ?

Jean-Claude - Je joue plusieurs rôles : Espher, Le Dieu de la Guerre (le Ministre de la Guerre), la Sage-femme et le mourant. Espher devient Empereur et se suicide. C'est un justicier, quelqu'un de calme. Je le vois comme un dieu, comme Arès, le dieu de la guerre. C'est aussi le père d'Onane.

Christian --- Je joue le Chef des écritures, et je dis : « 25 douzaines de B ». Il distribue les lettres. Il lance « la matière première ». Je joue aussi le serviteur de la chambre de l'Empereur. C'est le gardien.

Anne --- Verdict est un personnage qui tue tout le monde. Il est embauché par les vieillards pour tuer les gens. Au début il ne connaît pas Onane, et lorsqu'il la rencontre, il tombe amoureux d'elle.

Christelle --- Onane est la fille d'Espher. Elle devient Princesse de Chine lorsque son père devient Empereur. Au début de la pièce elle s'ennuie. Elle voudrait avoir un singe en cadeau, un singe qui l'aimerait. Elle veut faire des expériences ; par exemple, elle essaie de manipuler la « machine à désirs » ; mais ce qu'elle demande n'arrive jamais.

Elle veut retrouver son père pour lui annoncer qu'elle est enceinte de lui. Parfois elle est en colère ou joyeuse... elle change d'humeur à chaque fois.

F.H.I / Jessica Roumeur --- Comment vous les imaginez ?

Anne --- Verdict, je le vois jeune, habillé en militaire ; il porte un pistolet et une corde.

Claudine --- Ironique et Equinoxe, je les imagine avec un costume de clown !

Yvon --- Moi je les imagine avec un tablier noir, un chapeau noir qui s'ouvre par le haut et dans lequel il y aurait des coloquintes. On aura des poches partout, je crois...

F.H.I / Jessica Roumeur --- Qu'y a-t-il de plus difficile à jouer dans ces rôles ?

Claudine - Le plus difficile c'est les textes ; s'en rappeler et jouer avec. Yvon - S'il n'y avait que le texte à se rappeler, ça serait plus facile. Mais il y a toujours quelque chose à faire, à se rappeler : des gestes, des déplacements...

F.H.I / Jessica Roumeur --- Mais s'il n'y avait que le texte on s'ennuierait, non ?

Yvon - Peut-être pas !

F.H.I / Jessica Roumeur --- Si vous n'aviez pas joué le rôle que vous avez, quel(s) personnage(s) auriez-vous aimé interpréter ?

Anne – J'aurais aimé être Onane.

Christelle --- Je n'en ai aucune idée. J'aime bien Onane. Christian – Moi j'aime bien Equinoxe et Ironique. Ils sont marrants ; ils se cachent, ils font des blagues !

Claudine --- Je suis contente de jouer Equinoxe...

Yvon --- Je ne sais pas non plus. Par contre, lorsque les autres répètent leurs textes, je me rends compte que je les sait aussi. J'ai l'impression que je connaît le texte des autres...

Claudine --- C'est la même chose pour moi... ça fait travailler la mémoire, le théâtre !

F.H.I / Jessica Roumeur --- Quelle est votre réplique ou votre scène préférée ?

Anne - « Tuer, tuer. / Vous qui avez la force de donner la mort, / Je vous embrasse. Allez. / Destruction de ce qui est beau et bon et pur. / Car le beau, le bon et le pur sont pourris.

Christelle --- « Bel or. / Je voudrais avoir les os en or, / Et la chair en or, / Et les cheveux en or. / Extase des amants et tentation mauvaise.»

Claudine --- J'aime bien la scène des têtes coupées, quand Ironique me dit : « J'ai sept têtes dans ma brouette » et que je lui réponds : « J'en ai huit dans la mienne ».

Yvon --- D'ailleurs parfois au lieu de dire « brouette » je dis bourrette !

Jean-Claude --- J'aime quand Espher dit aux vieillards : « Je me connais moi-même. [...] / Je me connais du dehors et du dedans. / Je me connais parce que je me suis moulé, sculpté et ciselé suivant ma volonté / Ou si je ne me connais pas, du moins je sais ce que j'ai fait de moi. / Une tour de Babel construite en chiffres, en lettres et en signes».

F.H.I / Jessica Roumeur --- Que pensez-vous des décors ?

Yvon --- Au début j'ai cru qu'on allait jouer des militaires, avec des motos, des tanks, et tout ça !

Claudine --- Moi aussi j'ai pensé à ça au début.

F.H.I / Jessica Roumeur --- Et Dada ? C'est quoi pour vous ?

Christian --- Dada c'est une histoire. Une histoire qui parle de la mort. Jean-Claude – Dada c'est un personnage, je crois... C'est un anglais, non ?

Yvon --- C'est un cheval aussi... J'ai un livre sur Dada, avec des dessins, des tableaux. Sur l'un des tableau on voit marqué « il a froid au cul ».

F.H.I / Jessica Roumeur --- « L.H.O.O.Q. », le tableau de Marcel Duchamp ?

Yvon --- pris d'un fou rire – Oui c'est ça ! Mais je crois que Marcel Duchamp a aussi peint un cabinet...

Interview réalisé à Paris le 2.12.2009
 Par Jessica Roumeur








 

Françoise-Hélène JOURDA Présidente du concours d'architecture Schindler Award

Après ...Si chacun peut ou pas apprécié l'utilité d'une telle initiative organisée par Schindler Award, il n'en demeure pas moins que le thème central de l'un des plus prestigieux concours reconnu de tous les professionnels sera la mobilité des personnes de tout âge, handicapées ou non. François-Hélène Jourda répond ici à nos questions, de la vision qu'elle en a et ce qu'elle en espère !

Françoise-Hélène Jourda Présidente du JuryFrançoise-Hélène Jourda Présidente du Jury

F.H.I --- Qu'est-ce qui, pour vous, signe l'originalité du Schindler Award, par rapport à tous les autres concours d'architecture ?

Françoise Hélène JOURDA --- Ce prix est unique. Il est le seul qui valorise cette attention particulière que devraient avoir tous les concepteurs pour rendre accessibles leurs ouvrages à l'ensemble de la population quels que soient les handicaps. Il est bien souvent question seulement des handicaps moteurs de la difficulté à se déplacer dans l'espace pour des raisons « mécaniques ».

Le Schindler Award a une action encore plus généreuse puisqu'il propose aux étudiants de prendre en considération toutes les difficultés, celles de toutes les populations dans leurs différences : enfants, personnes âgées avec des problèmes de repérage dans l'espace, mal voyants ou malentendants, etc. Bien trop souvent, les étudiants produisent des projets qui généreux dans leurs formes architecturales et leurs innovations technologiques s'éloignent beaucoup trop d'une considération pourtant à la base de leur pratique : celle de construire pour tous, quelles que soient les capacités, caractéristiques physiques ou mentales des utilisateurs.» Pensez à repenser la mobilité » telle et le souhait de concours d'architecture.

F.H.I --- En quoi le site choisit cette année pour cette nouvelle édition vous paraît-il pouvoir illustrer toutes les problématiques de l'accessibilité ?

Françoise Hélène JOURDA --- Il s'agit pour les étudiants de réfléchir à plusieurs échelles, celles de la ville et celle de l'aménagement local et de l'architecture. Les différences de niveau existantes, les possibles connexions aux réseaux de transport et en particulier de transport en commun, la grande variété des aménagements à proposer dans leurs fonctions devraient donner l'occasion aux étudiants, de découvrir de nouvelles manières de concevoir la ville d'aujourd'hui. La thématique du sport et du sport pour tous est une occasion exceptionnelle de travailler sur le concept de rassemblement du « vivre ensemble », du véritable partage. Elle devrait susciter des idées nouvelles, des projets de grande convivialité.

F.H.I — Présidente du Jury, pour la deuxième année, pouvez-vous nous dire quelles sont les grandes lignes conduisent les choix du jury ?

Françoise Hélène JOURDA — Les débats à l'intérieur du jury sont toujours importants et passionnants. Il ne faut pas oublier que nous avons à faire avec des étudiants qui ont donc, à la fois une grande ouverture d'esprit, mais aussi parfois une absence d'expérience évidente.

 

 

 

 

 

 

Nous cherchons donc des projets à fort potentiel quant à un développement futur et comme source de réflexion et de proposition pour découvrir d'autres manières (celles du futur ?) de concevoir notre environnement bâti. Il n'y a donc pas de processus de décision préfabriquée. Chaque projet est défendu et critiqué. Et à la fin, les lauréats font généralement l'unanimité !

F.H.I --- Présidente du Jury, pour la deuxième année, pouvez-vous nous dire quelles sont les grandes lignes conduisent les choix du jury ?

Françoise Hélène JOURDA --- Les débats à l'intérieur du jury sont toujours importants et passionnants. Il ne faut pas oublier que nous avons à faire avec des étudiants qui ont donc, à la fois une grande ouverture d'esprit, mais aussi parfois une absence d'expérience évidente.

Nous cherchons donc des projets à fort potentiel quant à un développement futur et comme source de réflexion et de proposition pour découvrir d'autres manières (celles du futur ?) de concevoir notre environnement bâti. Il n'y a donc pas de processus de décision préfabriquée. Chaque projet est défendu et critiqué. Et à la fin, les lauréats font généralement l'unanimité !

F.H.I --- En quoi l'accessibilité (au côté du développement durable, de l'écoconception, des défis de la ville de demain)... Vous paraît-elle être l'une des priorités de l'architecture d'aujourd'hui ?

Asenceur accessible award

Françoise Hélène JOURDA --- Les objectifs que doit atteindre une ville « durable » sont multiples. La gestion des ressources (en matériaux, en énergie, en eau...) tout comme la minimisation des émissions de gaz à effet de serre, concerne la part environnementale du projet.

Mais il ne faut pas oublier les aspects sociaux et économiques. La ville durable doit être mixte socialement et permettre à chacun, quels que soient son rôle et ses capacités à participer à la vie démocratique.

La question de l'accès pour tous de l'espace extérieur ou construit est partie intégrante d'une démarche écoresponsable.

 

Interview réalisé à Paris 10.10.2009
Par Stéphane Lagoutiére

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Thomas HAMMARBERG Commissaire Européen aux Droits de l’Homme

« Moins de charité, plus de respect et de droits pour les personnes handicapées ». Tel est le vœu du Commissaire Européenn qui lance ici l'Union européenne un regard positif, mais très critique sur les nombreuses actions qui reste à accomplir cinq ans l'année européenne des personnes handicapées en 2003 !

Thomas HAMMARBERGThomas HAMMARBERG Commissaire Europenn aux Droits de l'Hommes

F.H.I --- Très peu de citoyens européens connaissent même votre existence, en poste depuis le 1er avril 2006, pouvez-vous nous dire en quoi consiste votre rôle et les changements qu'il peut apporter en Europe?

Thomas HAMMARBERG --- En tant que commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ma principale mission, est de promouvoir le respect effectif des droits de l'homme et d'aider nos 47 États membres à mettre en œuvre les normes dans ce domaine. J'effectue régulièrement des visites dans les États membres pour évaluer leur situation sur le plan des droits de l'homme. Chacune de ces visites donne lieu à la publication d'un rapport. Le dernier rapport sur la France date du 20 novembre.

F.H.I --- Le 1er décembre a été déclaré Journée européenne des Personnes handicapées, qui représentent près de 100 millions d'.individus. Estimez-vous que leurs droits sont respectés ? Pourquoi cette mise en garde en octobre dernier et comment expliquez-vous l'absence de ratification du Traité de la Convention internationale ?

Thomas HAMMARBERG --- Les mouvements de personnes handicapées sont très actives. Ils ont joué un rôle très important à travers le monde dans l'élaboration de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées. Maintenant que cette convention est entrée en vigueur et que le niveau d'exigence des critères qu'elle fixe est le plus élevé que l'on puisse atteindre, nous pouvons dire que les droits des personnes handicapées font incontestablement partie des droits de l'homme.

Les États ont la responsabilité de respecter ces droits et de veiller à ce qu'ils soient pleinement appliqués. Comme la convention est assez récente, elle sera probablement ratifiée par d'autres pays dans un proche avenir.

Cela dit, on voit bien que les personnes handicapées sont confrontées à de nombreux obstacles dans la société et dans l'exercice de leurs droits. Comme les enfants atteints d'un handicap physique qui ne peuvent pas jouer avec les autres enfants sur les terrains de jeux parce que ceux-ci ne sont pas conçus pour eux. des émissions de télévision non sous-titrées excluent les téléspectateurs malentendants.

Ou bien des personnes placées sous tutelle complète ne pouvant effectuer quasiment aucun acte de la vie courante. Pire encore est la situation dans les établissements psychiatriques de plusieurs pays d'Europe est choquante. Alors, la mise en œuvre de la convention de l'ONU nous donne une nouvelle occasion de réclamer des avancées supplémentaires. 

F.H.I --- Très longtemps axée sur l'aide sociale ou en institution, l'aide à la personne handicapée a-t-elle évolué et quelles sont aujourd'hui les améliorations qu'il resterait à appliquer?

Thomas HAMMARBERG --- Les politiques concernant les personnes handicapées ont trop longtemps été axées sur la prise en charge en institution, la réadaptation médicale et les prestations sociales. Elles reposaient sur l'idée selon laquelle une personne handicapée est une victime et non un sujet doté de capacités, en droit d'être un citoyen actif.

Du coup, les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux d'hommes, de femmes et d'enfants handicapés ont été bafoués. Heureusement, la manière de voir les choses a évolué ces dernières décennies, notamment au Conseil de l'Europe.

Les personnes handicapées ne sont plus considérées comme des personnes avec lesquelles il faut se montrer charitable, mais comme des citoyens qui ont les mêmes droits que les autres et un rôle à jouer dans nos sociétés. Il faut que ces personnes soient consultées sur toutes les décisions qui concernent leur vie, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs associations. C'est un principe essentiel sur lequel doivent reposer les politiques sur le handicap.

 

 

 

 

F.H.I --- Alors qu'en 2009 auront lieu les élections européennes, le monde associatif s'inquiète de l'absence d'actions du Parlement ou du Conseil de l'Europe dans ces domaines. Pensez-vous que la politique sociale dans ces domaines serait une bonne solution ?

Thomas HAMMARBERG --- Avec sa politique cohérente en faveur de la réadaptation des personnes handicapées, qui a été adopté par le Comité des ministres dès 1992, le Conseil de l'Europe a été à l'avant-garde de l'élaboration d'une politique européenne du handicap fondée sur les droits. Le plan d'action 2006-2015 du Conseil de l'Europe pour les personnes handicapées fixe des objectifs ambitieux dans ce domaine.

En ce qui concerne l'Union européenne, signalons la proposition de la Commission pour une nouvelle directive sur l'égalité, qui aurait pour effet de renforcer sensiblement la protection contre la discrimination fondée sur le handicap ou sur d'autres motifs. Le Parlement européen défend ardemment cette initiative, tout comme moi.

F.H.I --- Étant d'origine suédoise, les pays du nord de l'Europe, sont souvent pris en modèle pour ces questions d'intégration et d'insertion économique, sociale, culturelle... S'agit-il d'une réalité ou d'un mythe ?

Thomas HAMMARBERG --- Tous les pays peuvent améliorer leur bilan en matière de droits de l'homme et la manière dont ils traitent les personnes handicapées. Il est toujours utile de tirer parti de l'expérience des autres pays. J'ai l'impression que dans les pays nordiques, depuis une dizaine d'années, la priorité est donnée aux alternatives au placement en institution et aux solutions qui permettent aux personnes handicapées de vivre de façon autonome dans la collectivité. Mais cela ne peut pas fonctionner sans une action systématique.

F.H.I --- En matière d'immigration, l'Europe ne peut pas accueillir toutes les personnes handicapées des pays pauvres, quelle est la position prise au sujet des prisonniers handicapés ?

Thomas HAMMARBERG --- Les prisons doivent, elles aussi, être adaptés aux personnes handicapées. La Cour européenne des droits de l'homme a très clairement indiqué que les conditions de détention devaient être adaptées aux besoins particuliers de ces personnes. Je m'inquiète aussi de la situation dans les établissements psychiatriques fermés de plusieurs pays européens. Au cours de certaines de mes visites, je me suis rendu dans des établissements où les conditions sont tellement inhumaines et dégradantes qu'il faudrait les fermer immédiatement.

F.H.I --- La France finira la présidence de l'Union européenne fin décembre, quel bilan dressez-vous de son action dans les domaines du handicap et des droits de l'homme ?

Thomas HAMMARBERG --- En septembre, dans le cadre de l'Union européenne, le gouvernement français a organisé à Paris le sommet de l'égalité, qui a appelé à renforcer l'action contre la discrimination dans un certain nombre de domaines. Pendant ce sommet, l'accent a été mis sur la mise en œuvre des normes relatives aux droits de l'homme dans les différents domaines d'action de l'Union. Pour ce qui est des personnes handicapées, la présidence française a notamment insisté sur la nécessité de les insérer dans le système éducatif.

F.H.I --- J'aimerais conclure cet entretien par le titre de votre déclaration : « Moins de charité, plus de respect et de droits pour les personnes handicapées ». Quels sont donc en résumé les conseils que vous souhaitez donner aux responsables politiques, et le message aux personnes handicapées de l'Union européenne ?

Thomas HAMMARBERG --- Premièrement, la participation des personnes handicapées à toutes les décisions qui concernent leur vie devrait être l'un des principes fondamentaux de toute politique sur le handicap. Deuxièmement, il est important que tous les pays ratifient la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées et commencent à la mettre en œuvre.

Les pays doivent aussi se doter d'une législation anti-discrimination qui couvre tous les secteurs de la société. Troisièmement, il faudrait élaborer des programmes pour supprimer les obstacles physiques, juridiques, sociaux et autres qui empêchent les personnes handicapées d'être insérées dans la société et de participer à la vie de la collectivité.

Enfin, il faudrait créer des mécanismes indépendants chargés de vérifier que les personnes handicapées peuvent exercer leurs droits et habiliter à inspecter régulièrement les structures d'accueil. 

Interview réalisé à Bruxuelles le 8.12.2008
 Par Stéphane Lagoutiére