9ème Conférence internationale francophone VIH/hépatites : Pour un monde sans sida : démédicalisons !
A l’occasion de la 9e Conférence internationale francophone (AFRAVIH) qui va réunir à partir de demain 4 avril et jusqu’au 7 avril des chercheurs, médecins et acteurs associatifs du monde francophone à Bordeaux, Coalition PLUS lance la campagne pour un monde sans sida : démédicalisons ! Démédicalisé pour éliminer l’épidémie de VIH/sida, cela peut sembler paradoxal. Pourtant, c’est une stratégie que recommande l’Organisation mondiale de la santé[1] pour rendre le dépistage et les traitements plus accessibles, et ainsi rompre la chaîne des nouvelles infections.
En 2016, 30 % des 36,7 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde ignoraient leur statut sérologique et 43 % des personnes séropositives diagnostiquées n’avaient toujours pas accès à un traitement antirétroviral[2]. Or, selon la Coalition PLUS et ses associations membres, « nous savons qu’avec un traitement efficace, une personne infectée ne transmet plus le virus et peut rester en bonne santé ». Sur le terrain, la démédicalisation consiste à autoriser du personnel non médical, mais rigoureusement formé, à effectuer certains actes biomédicaux simples, tels que le dépistage rapide du VIH, l’administration du traitement post-exposition ou encore la dispensation du traitement anti-VIH aux patients diagnostiqués les plus stables. C’est aussi élargir aux infirmiers-ères le droit de prescrire ou renouveler des traitements et permettre à du personnel associatif de les distribuer.
Passons à l’action…
Une démédicalisation qui aurait largement « fait ses preuves d’efficacité », mais qui n’est pourtant pas mise en œuvre de manière systématique dans tous les pays alors que le sida continue de tuer un million de personnes chaque année. Il est urgent que cela change[3].
En Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre, où moins de 60 % des personnes infectées connaissent leur séropositivité[4], le dépistage démédicalisé n’est autorisé que dans 6 pays sur 29[5]. Pourtant, il pourrait changer la donne comme le prouve le projet pilote mené dans 4 villes marocaines par l’Association de lutte contre le sida (ALCS), membre de Coalition PLUS : 68 % des personnes dépistées dans ce cadre par des agents de santé communautaire n’avaient jamais fait le test VIH auparavant.
« Nous appelons les médecins de tous les pays à apporter leur soutien au principe de la délégation des actes VIH les plus simples à nos intervenants associatifs. Ce n’est qu’avec eux que les stratégies éprouvées de démédicalisation pourront se mettre en place à l’échelle mondiale et que nous pourrons faire efficacement barrage à l’épidémie », souligne la Pr Hakima Himmich, Présidente de Coalition PLUS.
« Nous, les médecins, ne sommes pas assez nombreux pour faire face à l’ampleur de la tâche, explique la Dre. Bintou Dembélé, administratrice de Coalition PLUS et directrice de l’association malienne ARCAD-SIDA, membre fondateur de Coalition PLUS. C’est pourquoi nous devons d’urgence mobiliser les communautaires, en particulier pour servir les populations marginalisées et couvrir les besoins dans les territoires actuellement délaissés. »
Un pari gagnant pour l’avenir…
La démédicalisation présente un double avantage toujours selon la Coalition PLUS et ses associations membres. D’une part, celle de pallier la pénurie de médecins et le manque de structures sanitaires dont souffrent nombre de pays, en particulier en Afrique subsaharienne[6]. D’autre part, atteindre les populations les plus exposées au risque d’infection[7] qui, en raison de discriminations dont elles font l’objet et des répressions qu’elles subissent, vivent dans la clandestinité et ne se présentent pas spontanément dans les hôpitaux et dispensaires pour se faire dépister ou soigner. C’est une stratégie qui permet en outre d’optimiser les ressources financières allouées à la lutte contre le VIH/sida, alors que celles-ci viennent à manquer : faire mieux et davantage avec les moyens existants.
Avec la baisse du prix des médicaments et la mobilisation des financements domestiques et internationaux, c’est l’un des trois grands leviers à activer d’urgence pour accélérer la riposte au sida et venir à bout de l’épidémie !
A propos de Coalition PLUS : 10 ans d’engagement
Union internationale d'ONG communautaires de lutte contre le sida et les hépatites virales fondée en 2008, Coalition PLUS intervient dans près de 40 pays et auprès d’une centaine d’organisations de la société civile. À travers le principe de gouvernance partagée qui la régit, notre union implique 14 organisations adhérentes du Nord et du Sud dans la prise de décision stratégique. S’inscrivant dans la démarche communautaire, Coalition PLUS milite pour que les personnes infectées, affectées ou particulièrement vulnérables au VIH et au VHC soient systématiquement associées aux processus décisionnels, de réalisation et d’évaluation des programmes de santé qui les concernent. À travers les différents programmes de son Secrétariat et ses 6 plateformes sous-régionales d’interventions, elle a pour objectif de renforcer les capacités des associations communautaires, tout en organisant des espaces privilégiés de partage de connaissances et d’expertise. Coalition PLUS est en outre conseiller spécial de l’ONUSIDA concernant le plan de rattrapage en Afrique de l’Ouest et du Centre.
(1) OMS, « Stratégies mondiales de santé contre le VIH 2016-2020 », p. 41 --- (2) Synthèse du rapport ONUSIDA, « En finir avec le sida », juillet 2017, p.5 --- (3) Données ONUSIDA novembre 2017 ---
(4) Synthèse du rapport ONUSIDA, « En finir avec le sida », juillet 2017, p.12 --- (5) Il s’agit de la Tunisie, du Ghana, du Nigéria, de la Centrafrique, du Burkina Faso, de la République démocratique du Congo et de la Guinée-Bissau. --- (6) Selon l’OMS, l’Afrique subsaharienne concentre 69% des personnes vivant avec le VIH dans le monde, mais ne dispose que de 3% du personnel de santé mondial. --- (7) Les populations les plus exposées au risque d’infection à VIH sont les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les travailleuses du sexe, les personnes transgenres et les usagers-ères de drogues. En 2015, 44s% des nouvelles infections dans le monde sont survenues parmi ces populations dites « clés » dans la dynamique de l’épidémie.
Publication : 03/04/2018